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  • Levothyrox : le ministère glisse la crise sous le tapis
    Les jours font portes ouvertes.

    Levothyrox : le ministère glisse la crise sous le tapis
    Réaction tardive, études a minima, silences… La ministre de la Santé Agnès Buzyn gère le dossier à l’économie. Comme si elle l’avait déjà refermé.
    24 avril 2018
    Épisode n° 4
    Texte Aurore Gorius Photo Bruno Levy/Divergence images
    La playlist

    Agnès Buzyn, femme d’influence. Selon le palmarès établi par l’Argus de la presse, la ministre de la Santé a été la femme politique la plus citée dans les médias au premier trimestre 2018, juste devant la maire de Paris, Anne Hidalgo. Ses sujets de prédilection depuis le début de l’année ? Hausse du prix du tabac, réforme de l’hôpital public et des EHPAD, affaire Lactalis… De la crise du Levothyrox, il fut (très) peu question dans les interventions de la ministre ces dernières semaines, alors que ce médicament concerne trois millions de malades de la thyroïde en France. Lors de sa récente interview sur BFMTV et RMC, le 12 avril dernier, la ministre de la Santé n’a accordé que quelques secondes au sujet. Déjà classé ou presque, déjà du passé. Pourtant, la décision de changer la formule de ce médicament sensible, en situation de monopole en France il y a encore un an, avec une information très insuffisante, est elle-même contestée (lire l’épisode 1, « Levothyrox, la crise sanitaire qui ne dit pas son nom »). Ces très modestes interventions médiatiques sont symptomatiques : le ministère de la Santé semble aujourd’hui considérer le problème comme réglé. « À la rentrée 2017, la priorité de la ministre a été d’organiser l’arrivée de nouveaux produits sur le marché pour apporter des alternatives aux patients souffrant de la nouvelle formule. Cinq nouveaux médicaments sont aujourd’hui commercialisés. Un temps d’adaptation sera encore nécessaire pour certains, mais une offre diversifiée est maintenant disponible », insiste-t-on dans son entourage.

    Pendant ce temps, les malades qui ont souffert de la nouvelle formule, après son arrivée en France à partir de mars 2017 (lire l’épisode 2, « “J’étais tellement mal que j’avais envie d’en finir” »), sont toujours nombreux à se fournir en ancienne formule dans les pays frontaliers : Belgique, Luxembourg, Allemagne, Italie, Espagne… « Ce n’est pas une solution pérenne car le laboratoire a prévu d’étendre la nouvelle formule à toute l’Europe », rétorque-t-on à la direction générale de la santé. Mais les malades qui ont subi des effets secondaires ne veulent pas « switcher » à nouveau. « Ce fut trop douloureux l’année dernière. Je resterai le plus longtemps possible à l’ancienne formule. Jusqu’ici, j’ai réussi à obtenir des boîtes en Suisse via des amis mais je vais devoir trouver d’autres solutions à l’avenir… », s’inquiète ainsi cette malade parisienne de 56 ans. La nouvelle formule est en effet en train d’arriver progressivement dans les officines helvètes. Le fabricant, le laboratoire Merck, a annoncé que l’ancienne formule ne serait plus produite d’ici à la fin de l’année 2018.
    Ministère de la Santé
    Le ministère de la Santé, dans le VIIe arrondissement de Paris — Photo Hamilton/Réa.

    La gestion du dossier par le ministère est très critiquée par les associations de malades, depuis le début. Au moment de dresser le bilan d’une année de crise, celui-ci ne reconnaît pourtant pas beaucoup d’erreurs. « Pour nous, jusqu’à la mi-août, il n’y a pas de crise. Ce n’est qu’à cette date que l’on constate un pic de signalements d’effets indésirables », explique aux Jours Anne-Claire Amprou, directrice générale adjointe de la santé. Les associations assurent pourtant avoir appelé l’Agence du médicament (ANSM) et le ministère de la Santé tout l’été. « On nous a juste conseillé d’envoyer les malades aux urgences… Nous avons eu l’impression que tout le monde était en vacances », déplore Chantal L’Hoir, coprésidente de l’Association française des malades de la thyroïde. Une pétition a été lancée en ligne dès le 24 juin 2017.

    À la rentrée 2017, les associations ont été reçues au ministère et un comité de suivi a été mis en place. Il s’est réuni trois fois à ce jour, mais ne donne lieu à aucun compte rendu

    À la rentrée, les associations ont été reçues au ministère et un comité de suivi a été mis en place, qui s’est réuni trois fois à ce jour. Les associations déplorent l’absence de compte rendu à l’issue de ces réunions : « Ils nous informent, c’est surtout descendant. Nous n’avons pas l’impression d’avoir été vraiment entendus », regrette Beate Bartès, responsable de l’association Vivre sans thyroïde. « L’idée de ces comités est de partager les informations avec toutes les parties prenantes, associations et professionnels de santé. Nous ne faisons pas de verbatim de ces réunions car ce n’est pas une instance décisionnelle. Mais nous rédigeons un relevé de décisions que nous y avons annoncées », explique-t-on au ministère. Lors de la prochaine réunion, qui se tiendra le 2 mai, le ministère prévoit de dévoiler une partie des résultats de l’étude de pharmaco-épidémiologie diligentée par l’Agence du médicament.
    Anne-Claire Amprou
    Anne-Claire Amprou, directrice générale adjointe de la santé — Photo Bruno Levy/Divergence images.

    Plus étonnante encore est l’absence de comité scientifique spécialisé temporaire (CSST). Cette instance composée d’experts externes est créée lors d’une crise sanitaire pour évaluer scientifiquement les médicaments concernés – comme récemment sur le dispositif de stérilisation Essure ou sur le Baclofène utilisé contre l’alcoolisme. « Ces comités aident souvent à calmer les esprits. Ce sont des experts extérieurs qui planchent. Ils prêtent moins le flanc à la critique. De surcroît, dans le cas du Levothyrox, il demeure une inconnue de taille : des patients ressentaient des effets secondaires avec un taux de TSH stable. Quelle en était alors l’origine ? », s’interroge Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l’université de Bordeaux. Cette inconnue scientifique, reconnue par de nombreux experts et par le ministère lui-même, n’a pas convaincu l’ANSM de monter un CSST. Claude Pigement, l’un des vice-présidents de l’agence, l’a demandé « à plusieurs reprises » en conseil d’administration. « Cela m’a toujours été refusé, témoigne-t-il. Aujourd’hui, il n’y a pas d’étude scientifique menée sur le médicament lui-même. » Au ministère, on explique avoir diligenté « toutes les études nécessaires ». « Le CSST n’est donc pas un outil adapté, ni justifié. De toute manière, avec l’ensemble des procédures judiciaires en cours au pénal et au civil, un tel comité n’aurait pas pu se tenir », estime-t-on.

    Les changements de formule à l’étranger ont-ils été étudiés au préalable par l’ANSM ?L’agence refuse de répondre, se retranchant derrière l’ouverture d’une information judiciaire

    L’ouverture d’une enquête préliminaire, puis d’une information judiciaire par le parquet de Marseille, est l’argument avancé également par l’ANSM lorsqu’on la sollicite pour obtenir des éclaircissements. Nous lui avons demandé, par exemple, si les changements de formule de médicaments équivalents à l’étranger avaient été étudiés et évoqués dans les réunions préparatoires, avant l’arrivée du nouveau médicament de Merck en France. Et s’il existait des traces écrites de ces discussions. Réponse laconique par mail : « Tous les documents relatifs à la spécialité Levothyrox ont été transmis à la justice dans le cadre de l’enquête menée par le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Marseille. Nous sommes dans l’impossibilité de vous transmettre ces documents. »
    Levothyrox
    « Aujourd’hui, on est incapables d’expliquer chimiquement ces effets indésirables », reconnaît le député LREM Julien Borowczyk, seul des cinq élus qui siègent au conseil d’administration de l’ANSM à nous avoir répondu — Photo Laurent Ferrière/Hans Lucas.

    Au conseil d’administration de l’ANSM siègent trois députés et deux sénateurs. Ces représentants élus du peuple français ont tous refusé de nous répondre sur le sujet du Levothyrox. À l’exception de Julien Borowczyk, député La République en marche, arrivé dans les instances de l’agence en début d’année. « Aujourd’hui, on est incapables d’expliquer chimiquement ces effets indésirables », reconnaît-il à son tour. Avant de nuancer : « Ces effets sont difficiles à regrouper. Ce sont des effets ressentis, avérés ou non… Les médias ont joué un rôle important dans la crise. » Cet argument rappelle celui des professeurs dits « nocebo », qui font de l’effet du même nom la principale explication de la crise. « L’agence n’avait jamais été confrontée à un tel problème. Elle reconnaît qu’il y a eu un problème d’information », poursuit le député.

       Les modes classiques d’information envers les patients et les professionnels n’ont pas fonctionné.
       Le bilan de la crise par le ministère de la Santé

    Globalement, c’est aussi tout ce que retient de la crise le ministère aujourd’hui : « Les modes classiques d’information envers les patients et les professionnels n’ont pas fonctionné. Il y a une mission d’information sur le médicament et j’espère qu’on aura des propositions d’innovations sur le sujet », déclare Anne-Claire Amprou, de la direction générale de la santé. Et sur la décision elle-même, prise en 2012 par l’ANSM (lire l’épisode 13 de la série Les lobbyistes), de demander un changement de formule d’un médicament sensible, pris par trois millions de personnes, en situation de monopole sur le marché français ? « Un monopole n’est jamais souhaitable (…). Désormais, il faudra mieux suivre les modifications demandées dans ce type de situations », concède-t-elle. Le reste est dans les mains de la justice et, même si celle-ci peut s’avérer très lente, il ne faudra compter ni sur le ministère ni sur l’Agence du médicament pour apporter plus de lumière dans ce dossier.
    Thu 24 May 2018 03:39:53 PM CEST - permalink -
    - https://lesjours.fr/obsessions/levothyrox/ep4-politiques/
    Levothyrox Médecine Santé
  • Levothyrox : l’ambition cachée de Merck, la conquête du monde
    L’ambition cachée de Merck : la conquête du monde
    Info « Les Jours ». Des documents prouvent que le changement de formule du Levothyrox s’inscrit dans une stratégie globale du labo.
    1er mai 2018
    Épisode n° 5
    Texte Aurore Gorius Photo Sepp Spiegl/Ropi/Réa
    La playlist

    Ce n’est pas la simple demande de l’Agence du médicament, l’ANSM, qui a conduit Merck à produire la nouvelle formule du Levothyrox qui a généré une crise sanitaire et un record de signalements d’effets secondaires en France depuis son lancement en mars 2017 (lire l’épisode 1, « Levothyrox, la crise sanitaire qui ne dit pas son nom »). Contrairement à l’argumentaire du laboratoire pour justifier ce changement, qu’on peut notamment retrouver dès le premier point de ce document spécial déminage, concocté par son service com. En réalité, la nouvelle formule s’inscrit au cœur d’une opération commerciale à l’échelle mondiale que Les Jours sont en mesure de révéler, grâce aux documents datant de 2014 et de 2015 planifiant son arrivée sur le marché, auxquels nous avons eu accès. On y découvre que la France est le point de départ d’une stratégie de conquête de nouveaux marchés sur quatre continents. Après son lancement dans l’Hexagone et l’extension de la nouvelle formule à toute l’Europe, le laboratoire prévoit de viser la zone Asie-Pacifique, en particulier la Chine, mais aussi les États-Unis et l’Amérique du Sud, notamment le Brésil – ces deux derniers pays figuraient déjà comme cibles prioritaires dans la feuille de route 2014, retirée du site de Merck après sa publication par Les Jours, mais toujours disponible ici. Enfin, la dernière étape est censée amener le laboratoire à l’imposer en Afrique et au Moyen-Orient.
    ANSM
    Le siège de l’ANSM, à Saint-Denis — Photo Luc Nobout/IP3.

    Avec le Levothyrox nouvelle formule, l’objectif du laboratoire est de « devenir un produit de référence dans le plus de pays possible », indique l’un des documents que nous avons pu consulter. Et pas seulement en France ou en Europe. La stratégie de Merck ? Inonder le marché mondial avec un médicament de meilleure qualité – plus stable dans le temps, comme l’avait demandé l’ANSM en février 2012, dans une lettre signée par le professeur Philippe Lechat (lire l’épisode 13 de la série Les lobbyistes). À l’exception des États-Unis, où cette évolution a déjà eu lieu, la nouvelle formule devient ainsi « le seul et l’unique produit » à respecter ce nouveau standard de qualité. Autre avantage de cette nouvelle formule, selon le laboratoire : contourner la « phobie du lactose ». Cet excipient a été retiré et remplacé par l’acide citrique et le mannitol. Cette « phobie » touche de plus en plus l’Europe, mais plus encore l’Asie, où l’intolérance y est plus importante.

    Le Levothyrox est un médicament vieillissant, dont le prix a été revu à la baisse au fil des années. Merck tente donc de lui donner « une nouvelle jeunesse »…

    Il faut resituer cette vaste opération de conquête de nouveaux marchés dans un contexte économique plus large. Le Levothyrox est un médicament vieillissant à qui Merck tente de donner « une nouvelle jeunesse », explique une source proche du dossier. Comme pour beaucoup de produits dits « établis », qui sont commercialisés depuis plusieurs décennies en Europe, son prix a été revu à la baisse au fil des années par le jeu de la concurrence, en particulier des génériques. Mais aussi via les négociations successives avec les autorités nationales de santé, qui cherchent à minimiser les coûts. Résultat, sur ces marchés dits « matures », le Levothyrox rapporte beaucoup moins qu’avant. Ses prévisions de rentabilité sont orientées à la baisse, sans perspective de relance car le nombre de patients concernés – près de 3 millions de personnes prenaient quotidiennement du Levothyrox il y a encore un an en France – a atteint un palier haut.
    Rassemblement de malades
    Rassemblement de malades devant l’usine Pathéon de Bourgoin-Jallieu, en Isère, qui sous-traite pour Merck la production de l’Euthyrox italien — Photo Allili Mourad/Sipa.

    Parfois, les laboratoires choisissent de tout bonnement arrêter la production de ce type de médicaments au rendement de plus en plus faible. À moins d’aller chercher des relais de croissance en les commercialisant sur les marchés émergents. Les prescriptions y sont encore très inférieures à celles pratiquées en Europe et pourraient concerner demain des millions de nouveaux patients… Les « produits établis » y ont une chance de dégager à nouveau un fort chiffre d’affaires. Et les laboratoires ont besoin de cette manne pour financer leurs innovations, en particulier pour développer les médicaments anti-cancer promis dans un avenir proche, enjeu économique crucial mais onéreux.

    Merck prévoit de nouvelles plaquettes 100 % aluminium, plus résistantes à la chaleur et à l’humidité. Une façon de faciliter l’exportation dans les pays aux climats moins tempérés

    C’est la solution qui a été choisie par Merck pour son Levothyrox. Grâce à des standards de qualité plus élevés, le laboratoire espère décourager ses concurrents – s’aligner coûte cher… – et imposer son « vieux » médicament un peu partout. Merck ne prévoit d’ailleurs pas seulement de changer les excipients, il programme aussi la fabrication de nouvelles plaquettes d’emballage, sans plastique, 100 % aluminium, afin de renforcer la protection du produit contre la chaleur et l’humidité. Comme indiqué sur la notice des comprimés 100 microgrammes, les plaquettes tout en aluminium sont « à conserver à une température ne dépassant pas 30 °C », contre 25 °C pour les plaquettes incluant du plastique. Ces nouveaux emballages visent donc à améliorer la stabilité du produit mais aussi à faciliter l’exportation dans les pays aux climats moins tempérés qu’en Europe.
    Laboratoire Merck de Nantong
    Dans le laboratoire de Merck à Nantong, en Chine — Photo Xu Congjun/Xinhua/Réa.

    Problème, tout à sa stratégie industrielle, le laboratoire semble en avoir un peu oublié les patients. « Il y avait la volonté d’arriver au produit scientifiquement parfait. Mais la problématique clinique a été éludée. Le médicament a été développé sans lien avec le réel. La sécurité du produit n’a pas été vérifiée sur les patients », estime une source ayant travaillé au lancement de la nouvelle formule. En effet, comme nous l’avons déjà écrit (lire l’épisode 12 de la série Les lobbyistes), le laboratoire n’a réalisé qu’une étude de bioéquivalence, qui mesure si l’absorption du produit est similaire entre l’ancienne et la nouvelle formule, sur des cobayes… en bonne santé. Et non sur des malades de la thyroïde.

       Cela révèle la faiblesse des départements “affaires médicales” dans les laboratoires. Censés représenter l’intérêt des patients, ils sont souvent inféodés à la logique marketing.
       Un cadre de l’industrie pharmaceutique qui a requis l’anonymat

    Des études cliniques, mesurant les effets réels sur les patients, auraient pu être menées à différentes étapes. Les labos les pratiquent avant, pendant ou après la commercialisation de leurs nouveaux médicaments. Pour la nouvelle formule, Merck s’en est tenu à l’obligation légale : l’étude de bioéquivalence était l’unique passage obligé, car seuls les excipients changeaient, mais pas la molécule. « Sur un produit sensible, dont on sait que de petites variations peuvent avoir des effets importants sur les patients, Merck aurait dû aller plus loin. Cela révèle aussi la faiblesse des départements “affaires médicales” dans les laboratoires. Censés représenter l’intérêt des patients, ils sont souvent inféodés à la logique marketing », déclare un cadre de l’industrie pharmaceutique qui a requis l’anonymat.

    Aucune étude supplémentaire n’a été exigée, non plus, par l’Agence du médicament en dépit d’un nombre de signalements d’effets secondaires record. Sous son impulsion, un projet d’étude clinique est en préparation du côté de la Société française d’endocrinologie (SFE) – dont nous avions révélé qu’elle était notamment financée… par le laboratoire Merck (lire l’épisode 9 des Lobbyistes). Alain-Michel Ceretti, administrateur de l’ANSM représentant les malades, croit déceler une « idéologie scientifique » derrière la demande de l’agence en 2012. « Elle a exigé l’application d’une norme technique en ne se préoccupant pas suffisamment des malades », poursuit-il. Du côté du laboratoire, on sait maintenant que ses visées dépassaient les frontières françaises et que ses motivations allaient au-delà de la simple amélioration de la stabilité du produit.
    Thu 24 May 2018 03:33:05 PM CEST - permalink -
    - https://lesjours.fr/obsessions/levothyrox/ep5-strategie-commerciale-merck/
    Levothyrox Médecine Santé
  • Levothyrox : pressions sur l’investigation des « Jours »
    u septième volet de notre enquête consacrée au Levothyrox, des pressions s’invitent dans l’investigation. Ce n’est pas un mais plusieurs courriers qui sont arrivés dans la boîte aux lettres des Jours la semaine dernière. Des missives en forme de recommandés avec accusé de réception, en provenance de l’Agence du médicament (ANSM) d’une part, et du laboratoire Merck, qui produit le Levothyrox, d’autre part. Les deux organisations ont décidé de nous écrire à quelques jours d’intervalle. Pas pour nous envoyer des mots doux, comme on s’en doutera. La première s’est fendue d’un droit de réponse, la seconde d’une menace de procès.

    L’ANSM nous envoie son droit de réponse par mail puis le diffuse sur les réseaux sociaux le 21 mars, jour de diffusion d’une émission de télé très attendue par les malades de la thyroïde

    Avant même le moindre courrier postal, l’Agence du médicament nous a d’abord adressé son droit de réponse par mail, le 21 mars en début d’après-midi. Elle s’est ensuite empressée de le diffuser sur les réseaux sociaux, une démarche pour le moins originale. Le choix du jour et du moment n’est sans doute pas complètement le fruit du hasard : nous sommes alors à quelques heures de la diffusion, en prime time, d’une émission de France 5 consacrée aux traitements de la thyroïde, très attendue par les patients – et qui a, elle aussi, soulevé les très nombreuses questions liées à cette crise. Cette opération de communication en forme de contre-offensive s’est poursuivie pendant l’émission, en réponse aux propos tenus en direct par les invités, via le fil Twitter de l’ANSM.
    Dominique Martin
    Dominique Martin, directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament — Photo Luc Nobout/IP3.

    La nouvelle formule du Levothyrox, lancée en France en mars 2017, a entraîné des milliers de signalements d’effets secondaires – idées noires, bouffées de chaleur, chutes de cheveux, crampes… comme le racontent les témoignages que nous avons recueillis dans l’épisode précédent (lire l’épisode 2, « Levothyrox : “J’étais tellement mal que j’avais envie d’en finir” »). La plupart des patients, des médecins et des pharmaciens n’étaient pas au courant du changement de formule. Mais plus d’un an après la crise, l’agence ne change rien à son discours officiel dans le droit de réponse qu’elle nous a adressé. Elle écrit que « la nouvelle formule du Levothyrox a été accompagnée d’une action d’information très importante des médecins et des pharmaciens ». Pourtant, son directeur, Dominique Martin, a reconnu dès octobre 2017 dans les colonnes du Parisien, que l’information avait été insuffisante…

    Le professeur Lechat, qui a demandé à Merck la nouvelle formule du Levothyrox, a auparavant travaillé pour le labo. Pas un conflit d’intérêts, nous dit l’ANSM

    L’information en vue du passage à la nouvelle formule a été mal organisée en dépit d’une réunion qui s’est tenue le 10 juillet 2015 à l’ANSM, avec des représentants du laboratoire Merck, comme nous le révélions dans le premier épisode de cette série (lire l’épisode 1, « Levothyrox, la crise sanitaire qui ne dit pas son nom »). Lors de cette réunion, il fut notamment préconisé d’instaurer des « paliers d’adaptation » pour une liste de catégories de patients à risques (malades du cancer, personnes âgées, femmes enceintes…). Dans son droit de réponse, l’agence assure avoir repris ces préconisations « dans toutes les communications » au moment du changement de formule. Au passage, elle confirme la tenue de cette réunion et notre information – ce n’est pas le moindre des paradoxes alors qu’elle prétend battre en brèche le reste de nos révélations.
    Philippe Lechat
    Le professeur Philippe Lechat a travaillé pour Merck avant de rejoindre l’Agence du médicament — Photo Chamussy/Sipa.

    Le conflit d’intérêts du professeur Philippe Lechat chiffonne particulièrement l’agence. Comme nous le révélions dans l’épisode 13 de la série Les lobbyistes, c’est cet expert, alors responsable de l’évaluation des médicaments de l’ANSM, qui a signé, en 2012, la lettre demandant à Merck d’élaborer une nouvelle formule du Levothyrox. Ce même professeur avait auparavant travaillé pour l’industriel, à la coordination d’une enquête européenne (CIBIS-III) publiée en 2005 et financée par le laboratoire, au sujet du Bisoprolol, molécule entrant dans la composition des bêtabloquants, à destination des malades cardiaques. L’agence réfute l’expression de « conflit d’intérêts » pour Philippe Lechat au motif qu’il s’est écoulé huit ans entre son travail pour Merck et sa lettre comme responsable de l’ANSM. Et celui-ci « n’a jamais travaillé pour le compte du laboratoire Merck au sujet du Levothyrox », ajoute-t-elle. La charte de déontologie de l’ANSM a pourtant une conception bien plus large des conflits d’intérêts : elle évoque notamment la nécessité de prévenir les situations dans lesquelles pourrait naître, autour d’un expert, « un doute légitime, même du seul point de vue des apparences ».

    Le président de Merck France nous a envoyé une lettre nous menaçant d’un procès en diffamation. Technique prisée des industriels pour museler les journalistes

    La révélation par Les Jours, document à l’appui, de ce conflit d’intérêts dérange aussi du côté de Merck. Le président des activités françaises du laboratoire, Thierry Hulot, nous a fait parvenir une lettre nous menaçant d’un procès en diffamation. On peut aussi y lire entre les lignes la menace de contourner le droit de la presse. C’est une tendance de plus en plus répandue chez les industriels pour museler les journalistes d’investigation. Vincent Bolloré, par exemple, attaque les médias qui enquêtent sur ses activités africaines. Il réclame ainsi 50 millions d’euros à France 2 devant le tribunal de commerce pour un sujet diffusé dans l’émission Complément d’enquête en 2016 et couronné du prix Albert-Londres l’année suivante. Ces procédures, même si elles n’aboutissent pas, ont pour objectif de décourager les enquêtes.
    Thierry Hulot
    Thierry Hulot, patron de Merck Biopharma France — Photo Éric Dessons/JDD/Sipa.

    Aussi appelées « procédures-bâillons », elles pourraient être encouragées par la loi « secret des affaires » approuvée en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 mars. Une définition trop large du secret d’affaires permettrait d’attaquer en justice toute personne (lanceur d’alerte, syndicaliste, journaliste…) qui révèle des informations internes à une entreprise. Au cours des débats dans l’hémicycle, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a assuré que cette loi n’impliquera « strictement aucune restriction de liberté publique ». Quelques jours auparavant, dans une tribune publiée par le journal Le Monde, un collectif de journalistes, d’associations et de syndicats s’inquiétait : « Des scandales comme celui du Mediator ou du bisphénol A, ou des affaires comme les Panama Papers ou LuxLeaks pourraient ne plus être portées à la connaissance des citoyens ». En ce qui concerne Les Jours, il va de soi que notre enquête sur la crise sanitaire provoquée par la nouvelle formule du Levothyrox se poursuit et continuera à explorer toutes les pistes que nous avons commencé à investiguer.
    Fri 30 Mar 2018 03:49:40 AM CEST - permalink -
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    Bavure Levothyrox Médecine
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